Conte de Noël pour les vieux
Etre malade comme ça un 24 décembre, c’est la première fois. D’ordinaire c’est le lendemain, après la bombance de la veille, que je me traîne. Mais là, rien à voir avec la gueule de bois et les problèmes digestifs. Fièvre, frisson, maux de tête, courbatures, ça sent la bonne vieille grippe. Le bon côté c’est que j’échappe au repas familial toujours un peu ennuyeux. Mon épouse par contre, n’a pas la même chance, mais quand on est en bonne santé, faut assumer. Avant de partir pour ce grand moment de réjouissance, elle me propose, pour réveillonner, d’avaler, avant d’aller me coucher, quelques médicaments qui devraient me soulager. A peine la porte franchie sur un « soigne-toi bien » et un « embrasse tout le monde pour moi » je bois un verre d’eau pour faire glisser les médocs.
Arrivé dans la chambre, ça cogne fort à l’entrée. « Merde encore la sonnette en panne ! » Je pense que ma femme a oublié sa clef. Je vais ouvrir, et là, à peine la porte entrouverte je reste pétrifié. Face à moi, dans son drapé noir, enveloppé du halo lumineux de l’éclairage public, la mort, faux à la main, me regarde.
Une petite voix fluette sort de ma bouche :
-C’est pourquoi ?
-C’est pour vous, me répondit un son glacial
Moi qui espérais mourir en bonne santé, je ne trouvais qu’une banalité idiote à dire
-Mais je suis malade…
-Justement.
J’étais cuit, pris au dépourvu comme ça, comment combattre la camarde ? Je rêvais d’une fin à la Cyrano, mourir debout l’arme à la main, me voilà tout mou les jambes en coton, la fièvre au front. Quelle arme utiliser ? En existait-il au moins une ?
-J’ai le droit à un dernier verre ?
-Une bière même.
La vache, la mort a de l’humour, pince sans rire en plus, enfin difficile à voir sur les os du crâne.
-Je vais prendre une mort subite alors et vous ? Une eau de vie ?
Elle ne refusa pas la proposition. Je mis sa faux dans le porte parapluie et quand je me proposai de lui ôter sa cape.
-Non, je n’ai rien dessous !
Elle craint quoi, que je lui caresse les os ?
-Pardon, Madame !
-Mademoiselle !
Tu m’étonnes qu’elle n’ait trouvé personne pour le septième ciel ! Elle est restée bloquée au caveau. .
Je passai dans la cuisine revint avec ma bière et un verre.
-Désolé, mais je ne sais pas où mon épouse range les verres à liqueur, je vous sers dans un normal. Pour le coup, je lui mets une sacrée rasade. A peine ma bière décapsulée et le squelette reposa le verre vide.
-Ah ! Non ! Je m’insurgeai. Pas comme ça ! Il faut déguster ! Il faut sentir tous les arômes de la vie. Je vous ressers mais buvez doucement.
Elle me jeta une absence de regard terrible. Mais le second verre fut aussi vite descendu. Je lui en servi un troisième. Pour un humain, c’est la dose qui te met en anesthésie générale, en KO technique, en mort cérébrale pour un moment.
-Doucement ce coup-ci. Et elle m’écouta.
-Vous sentez ces saveurs, derrière la force de l’alcool, ce parfum de pomme, parce qu’il y a de la pomme.
-Je vois à quoi vous faîtes allusion : les tontons flingueurs… Je vis sa cage thoracique se soulever et dans un souffle glacial elle dit : Les tontons flingueurs, je les ai tous flingués… je fais un sale boulot, vous savez.
Je la laissai finir son verre pour asséner
-Vous auriez dû faire Père Noël.
Là, d’un coup elle se mit en colère.
-Ne me parlez pas de ce fainéant qui ne bosse qu’une nuit par an et que tout le monde adore, moi c’est tous les jours 24h sur 24 et tout le monde me déleste ! heu dépeste, non, déteste. Si, si, si chez pas une honte ? Burps.
Quand le langage commence à tituber, le corps ne va pas tarder à suivre, mais comment savoir le degrés d’alcool admissible dans les os ??? Je fis semblant d’ignorer son état.
- Vous pourriez postuler, même si en ne travaillant qu’un jour par an, il ne risque pas de partir à la retraite de sitôt. En fait il est immortel, non ?
-Quoi ! quoi ! coin ! Immortel le vieux satyre ! Chez che qu’on va voir ! Immortel ! Lui !
Elle se lève d’un bon, s’entrave dans sa cape me dévoilant, au passage, une grande partie de son intimité qui n’éveilla aucun émoi en moi. En passant devant l’entrée elle rafle mon parapluie. Je lui cours après pour le récupérer et lui rendre sa faux.
-Immortel ! cria-t-elle avant de disparaitre dans la nuit.
Je rangeai la maison, allait me coucher parlant tout seul :
-Elle va revenir, autant m’y préparer et ne pas offrir à ceux qui me découvriront un spectacle désolant.
Je me couche sur le dos, les mains sur le ventre, je ferme les yeux et meurt, comme les glorieux maréchaux… dans mon lit !
J’ouvre un œil, la porte de l’enfer ressemble à s’y méprendre à celle de ma chambre. Je m’ébroue.
-Tu te réveilles enfin ! me demande mon épouse.
-Heu ! Enfin ? Il est 6h !
-18h plus exactement. Tu as dû dormir plus de 20 heures. Tu n’aurais pas pris tous les médocs en même temps par hasard ?
-Heu… Et avant que je trouve un prétexte, une excuse, une échappatoire, elle mitraille.
-C’est toujours pareil ! Tu ne m’écoutes pas, il fallait les espacer d’au moins 4 heures. Tu as risqué des effets secondaires graves, des hallucinations, des pertes de repères, des complications pulmonaires…
Je me ramasse une bonne engueulade qui me ferait presque regretter de ne pas être mort.
-Mais regarde je suis guéri, je vais bien, et toi ça c’est bien passé.
-Oui, enfin presque, il y a eu un drame dans le quartier, un papy déguisé en Père Noël, pour faire plus réaliste est monté sur le toit, a glissé et s’est écrasé sur la chaussée, raide mort.
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