Le « Akim Burger » n’était pas loin du commissariat, et la porte franchie, le grand black derrière le comptoir interpella Soupe.
-Alors chef, Je commençais à m’inquiéter ! C’est pas dans votre habitude d’arriver en retard !
-Un macchabée rue Marie Curie, nous a retardés.
-Je suis innocent, chef, j’ai un alibi. Et là, un rire phénoménal remplit la salle encore déserte, un rire communicatif qui fit sourire Ringo.
-Akim, je te présente l’inspecteur Ringo, et vice-versa.
- A vous aussi, il vous a donné un surnom, vous allez le porter toute votre vie ! C’est comme le sparadrap du capitaine Cradoc ! Et le rire ressortit en cascade de sa bouche. Comme d’hab chef, le spécial Akim.
-Avec une SanPé et quatre frites…
-C’est ça quatre frites, et le rire reprit de plus belle.
-Ringo, tu veux quoi ? Pas manger je suppose !
-Non, une bière plutôt !
-Après un macchabée, ça s’impose, ajouta Soupe, alors que le rire tonitruant reprenait.
Ils allèrent s’assoir alors qu’Akim partit derrière ses fourneaux.
-Lorsque dans l’exercice de tes fonctions, on t’appelle chef, ça signifie quoi ? demanda Soupe
-Que le gus à fait de la prison.
-Exact ! Et en plus c’est moi qui l’ai coffré. Il trafiquait du shit, des scooters volés, du matériel tombé du camion. Il était le petit caïd d’un squat qu’on appelait la jungle. Toi, tu ne peux pas connaitre, mais il y avait, dans mon enfance, une BD qui s’appelait « Akim, roi de la jungle ». C’est pas un méchant le Akim, sa carrure forçait au respect, pas besoin de sortir le matos. Je l’ai pris à la bonne, et après un an de purgatoire comme il dit, je l’ai un peu aidé pour sa réinsertion.
-et il a l’air de s’éclater, c’est un tonton ?
-Non, mais s’il était au courant d’un truc grave, je pense qu’il nous le dirait. En attendant, je vais faire ma pose prostatique.
Lorsqu’il revint des toilettes, il était au téléphone.
-Oui, … c’est bien ce que je pensais… ça remet tout en question… Rappelle-moi de t’inviter au resto... oui, ce soir si tu veux… Bises
Il arriva à table en même temps que le burger.
-Alors Ringo, tu en penses quoi de notre affaire.
-Je ne sais pas quoi penser, le meurtrier n’a laissé aucune trace, la factrice n’a rien vu alors que ça venait de se passer, comme s’il était invisible.
-Il est invisible, puisqu’il n’existe pas !
-Comment !
-Tu vois, mon jeune Ringo, faire pipi assis aide à la réflexion, c’est la position du penseur de Rodin, et j’en suis arrivé à la conclusion du suicide.
- Heu…
- Simon était en pleine dépression, sa femme se barre avec son meilleur ami ou un parent proche, il picole, perd son boulot, et la maison sera vendue. Cette piaule, tu as vu les outils dans le garage, il a dû y travailler des années, c’est sans doute l’élément déclencheur. Alors il veut bien se dézinguer mais il veut faire porter le chapeau à l’amant de sa femme. Celui qui est à l’origine de tous ses malheurs.
-C’est bien beau mais il faut des preuves.
-Ah ne m’interromps pas sinon mon burger va être froid.
-Je parie, et ce sera à vérifier, que le couteau est au fameux amant, il lui aura piqué, il décide de se le planter dans le cœur. Mais faut pas laisser d’empreintes donc il choisit de mettre des gants et de s’habiller comme s’il allait sortir. Les gants en cette saison, c’est pas franchement utile, non ? Pour être sûr de son coup il met la lame à l’horizontale, faudrait pas qu’elle ripe sur les côtes et qu’il se rate. Ensuite, il suffit de se laisser tomber en avant, face contre le carrelage. C’est son choix mais c’est hard, la plaie à la tête c’est le choc avec le carrelage. Là un rebond le fait se retourner en partie et il meurt rapidos.
- Un peu tordu comme raisonnement, et la porte ouverte ?
Soupe, s’octroya une énorme bouchée, en faisant un peu la grimace. Il fallait finir ce burger rapidement c’était une question de vie ou de mort pour son estomac.
- La porte ouverte c’est ce qui m’a mis sur la voie, un assassin l’aurait fermée et le corps aurait été retrouvé quelques jours, voire semaines plus tard, vu qu’il ne fréquentait personne. Puis s’il avait été agressé et pris un coup phénoménal en pleine tronche, il serait tombé sur le dos. Or, Emilie vient de me confirmer qu’il n’y a aucune trace de contusion dans le dos, derrière le crane, ou au rectum. Il n’est donc pas tombé de dos. Les meurtres au couteau, sont souvent la conséquence de plusieurs coups portés, là un seul d’une puissance terrible, c’est peu crédible.
-Peut être que l’assassin n’a pas pu retirer le couteau …
-De toute façon le sang a dû gicler grave et il en aurait été recouvert et tout ça sans laisser aucune trace ! Si assassin il y a, c’est Monsieur Propre ! Autre chose, je pense qu’il avait envoyé un message à son soi-disant assassin en l’invitant à passer à 9h pour que la factrice le voie.
-Quelle imagination !
-Tu parles de moi ou de Simon ? (là j’ai eu envie d’écrire : de Karak surtout mais ça aurait fait cabotin)
Tu vas rentrer au bureau taper la déposition de la gamine et informer le grand Robert, il va être content, une affaire résolue en moins d’un jour, ça va faire remonter ses stats. Moi, je vais voir la voisine, je ne sais pas si tu as remarqué mais elle ne nous a pas quittés des yeux, elle avait envie qu’on l’interroge, mais pas le ventre vide pour moi…
Lorsqu’il revint au bureau, Il avait l’air radieux, Ringo était seul, les autres étaient partis manger.
-Alors, interrogea Ringo ;
-A part pour le couteau, de provenance inconnue, j’avais tout juste ! La voisine m’a confirmé que c’est le meilleur ami qui lui a enlevé sa dulcinée. Et comme on discutait, elle me dit : justement ils sont là ! Cette femme doit avoir la vision à 360 degrés. Je suis sorti pour interroger Riton, il s’appelle Henri Ozékla, qui m’a confirmé qu’il avait bien reçu un sms, vers 8h, dans lequel le père Simon lui demandait de passer avant 9h. Mais il s’est méfié et n’est pas venu. Fin de l’histoire, viens, je t’invite à manger un couscous
-Je suis végétarien !
-Personne n’est parfait, mais rassure toi, un couscous, si tu enlèves la viande c’est un plat végétarien, non ? Je mangerai la bidoche s’il le faut.
Attablé au resto Soupe faisait la gueule.
-D’habitude je dis qu’on peut vivre d’amour et d’eau fraiche… après un bon couscous. Mais là, les conditions ne sont pas remplies. Tu as gouté cette semoule ? Plus fade que de l’eau de source, et ces légumes qui pleurent pour avoir une sauce goutteuse. La viande tu dirais du pâté végétal !
-Vous exagérez, mon couscous végétarien n’est pas si mauvais que ça.
-Si ta référence c’est le tofu, j’en suis pas étonné !
-Albert, regardez, y a un client qui se tire sans payer, j’interviens ?
-Déconne pas, c’est Karak, sans lui on n’existe pas…
FIN