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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 07:24

Au bistrot de Loule, le jeu de dames et des dominos avaient succédé à la belote. Allez savoir pourquoi ces jeux se pratiquaient à l’automne et pendant l’hiver ? Le club des moures possédait toujours le monopole des victoires, Pablo était imbattable aux dames et rares étaient ceux qui pouvaient rivaliser avec l’Espingle aux dominos.

Marcus expliquait cela scientifiquement :

- L’Espingle, il est épicier, sans avoir à surveiller le magasin,  ni la remise, il est capable de savoir ce qui s’y trouve. Pour faire ses commandes, il est obligé de prévoir ce que les gens vont lui acheter, et les gens lui achètent ce qu’ils n’ont pas acheté la fois précédente. C’est un peu comme les dominos, où il faut savoir ce que l’autre te cache et ce qu’il recherche. Comme c’est un bon quincaillier, que son commerce ne fait pas quincanelle, ça veut dire qu’il se débrouille bien et qu’en travaillant, il s’entraîne, sans le savoir,  aux dominos.

- Et surtout, il s’entraîne même à travailler en jouant aux dominos,  clama Antonin en riant.

Loule de son côté, toujours admiratif des théories de Marcus lui demanda :

- Et Pablo, pour les dames, comment tu te l’expliques ça ?

- Je l’explique facilement, Pablo était notre chef  dans le maquis. On a fini la guerre, comme on l’a commencée, on s’en est tous sortis, pourtant on a eu chaud plus d’une fois.

- A part le fils Mathieu, qui s’est fait avoir par les boches,

- Oui, mais il n’avait pas obéi aux consignes, il a voulu y aller seul, et comme te dit Pablo pour les dames, il faut toujours rester groupé, c’est sa stratégie.

- L’union fait la forche, conclut Pablo du fond de la salle.

- En plus, comme il n’a pas de joueur à son niveau, il te donne deux ou trois pions d’avance, toi ça t’arrange bien Loule, il manque trois pions blancs que tu as remplacés par les boutons d’un vieux corsage de Marinette, et lui ça lui rappelle le maquis ou quand on montait sur un coup, c’était à un contre dix.

- Ecoutez-moi le ! fit mine de s’énerver Loule, ça va être la faute aux boutons de corsage de Marinette si on a été envahi par les boches.

- Il manque oun pion noir maintenant, l’avertit Pablo en train de préparer le damier.

- Et celui-là, si tu dois le récupérer sur la soutane de la Pétoule, c’est pas gagné ! ironisa Marcus.

- M’en parle pas ! On se moque bien de lui, mais en attendant vous avez vu le monde qu’il a pour la messe, je fais moins d’apéritifs croyez-moi… Il est partout, il se mêle de tout, il veut s’occuper personnellement du catéchisme, il veut fonder une chorale, une bibliothèque de livres comme il faut, ça lui plait pas qu’à la municipale ce soit les laïques qui choisissent.

- Faut dire que les culs blancs l’aident bien, le métayer du château me disait que le vieux baron donnait une pièce de plus à ceux qui allaient à la messe.

- Et c’est pas le seul, témoigna Antonin.

- En plus, vous savez pas ? Il a une voiture, une quatre chevaux. Ses parents lui ont offert pour qu’il puisse porter plus facilement la parole de Dieu, intervint Marinette qui venait de rentrer avec un balluchon de linge propre. Comme si on était des zoulous et lui le bon missionnaire.

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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 06:50

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Une histoire commence toujours où une autre finit, surtout lorsqu’elle raconte la vie des gens simples. L’abbé Benoît, avait donc été muté dans la paroisse d’un village lointain. Le reproche qui lui était fait, fait mais pas avoué, était d’ordre diplomatique. Il avait osé pactiser avec l’ennemi rouge, il avait fréquenté, une fois, mais une fois suffit, son repaire, le  « Café de la place ».
Il avait transgressé la loi de la séparation de l’église et du bistrot de Loule, comme disaient les soiffards. Il avait osé s’acoquiner avec les bravaches du « club des moures », ces fervents adeptes de l’idéologie socialiste. Ces communistes, ces anarchistes lui avaient tourné la tête au point qu’il les avait reçus dans la maison de Dieu. Au premier rang, sans respect pour la  tradition de la séparation des hommes et des femmes. Il leur avait dédié un sermon entièrement consacré à l’humanité, la fraternité, la solidarité, comme si ces gens-là pouvaient y être sensibles. Des personnes qui se rient de la soutane et moquent les disciples les plus fervents. Des impies qui sont allés jusqu’à lui offrir de  l’eau de vie, de l’eau de vie qu’il a avoué avoir trouvée délicieuse. Ah ! Le péché de débauche et de gourmandise !
Bref, après avoir évacué le gêneur,  il fallait bien lui trouver un remplaçant, et pas un tendre, non ! Un homme de confiance, un missionnaire ! Un soldat de Dieu ! L’erreur n’était pas permise. L’évêché envoya donc sur place un représentant à l’antithèse du précédent curé.
L’abbé Benoît était issu d’un milieu modeste, celui-là descendait de l’aristocratie sans même avoir enlevé ses éperons. L’abbé Benoît portait dans une rondeur débonnaire  les stigmates d’un âge avancé, celui-là était sec comme un coup de trique et manifestait l’arrogance de son rang et de sa jeunesse.
Quand les villageois le virent pour la première fois, ils sentirent bien qu’il y aurait une vraie rupture avec les anciennes habitudes paroissiales. Le jeune curé, n’avait qu’une brèche dans l’armure: il était petit, et le club des moures lui attribua illico un surnom qui lui collerait définitivement à la soutane : « Pétoulet ».
En fait, il s’appelait De la Rosière, et tenait  à la particule, par respect pour mes aïeux  disait-il, qu’à cela ne tienne, les  culs rouges adaptèrent le surnom qui devint « De la Pétoule » et ils en riaient en pensant que ce jeune perdreau ne tiendrait pas le choc. Mais, le précieux émissaire de l’évêché n’avait pas dit son dernier amen.
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2 août 2011 2 02 /08 /août /2011 20:01

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LES CURES DE CUCUGNARGUES

Dernier épisode, il y a une suite en préparation. Mais je vous l'imposerais que si vous avez aimé cette nouvelle.

Ils tinrent tous parole, les uns en allant pour la première fois depuis leur enfance à la messe, et l’abbé Benoît en les accueillant au nom de l’humanité et de la solidarité que tous les hommes, chrétiens ou pas, devaient se manifester.
Lucienne concrétisa ainsi le rêve secret de conduire son homme dans la maison de Dieu.
Pour la circonstance la droguerie et « le café de la place » avaient fermé leur porte. Sur une ardoise était écrit « fermeture exceptionnelle pendant la messe. On se rattrapera après ».
L’histoire aurait pu finir ainsi, la petite communauté villageoise réconciliée autour de son curé, mais la vie affiche rarement des fins heureuses. Deux mois plus tard, et pour la deuxième fois le curé poussa le rideau à lanières du café de Loule qui le reçut dans ces termes :
- Oh ! Bien le bonjour l’abbé, quel bon vent ?
- En effet c’est un vent qui m’emmène chez vous, avant de m’emporter pour ailleurs. Je viens vous dire au revoir, mes amis !
-Et vous partez ou ? demanda Antonin, à Lourdes, chercher de l’eau de vie ?
Marcus avait compris qu’en disant « mes amis » l’homme sous la soutane, cachait une amertume. Il fit signe à Antonin de ne pas se moquer.
- L’évêché m’envoie  dans une autre paroisse.
-Et vous, vous n’aviez rien demandé ? l’interrogea Marcus.
En soupirant le curé fit signe que non avec la tête.
- Curé ! On vous fait payer vos mauvaises fréquentations ? insista Marcus.
-Dieu seul le sait !
- Et où il vous emmène le bon Dieu ?
-A Perpètargues.
- Vous allez vous ennuyer là-bas, ce ne sont pas des causants…. Alors comme ça ! on vous punit pour nous avoir tendu la main. J’imagine que des bonnes âmes du quartier d’en bas ont fait jouer leur influence.
- On aurait dû touch les zigoyer à la libérachion
- Ne parlez pas comme ça Pablo, s’il vous plait, c’est pas l’homme d’église qui vous le demande, mais un ami. Oublions cela, je n’ai pas envie d’être triste aujourd’hui. Je suis venu vous dire que je partais avant que le village n'en soit informé. Et dans vos coutumes, je crois que l’on paye à boire quand on s’en va !
Alors Monsieur Loule, je paye une tournée générale. Sortez donc votre, comment vous dite, réserve personnelle..
- …et exclusive, continua Loule sans entrain. FIN (du premier curé)
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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 16:02

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les curés de cucugnargues

Episode 5 Le bar à Loule
Loule tout excité, retrouvait l’ambiance des jours de fête votive. Il virevoltait autour des tables avec son plateau de serveur. Petit à petit, l’établissement se remplissait. De leur coté, les  héros, reconnaissables à leurs  cheveux encore collés au front, tenaient forum au bar.
Pablo protesta :
-Et la rachade de fine, pour les chauveteurs, chest pour quand ?
-Elle arrive et elle est bonne, reprit Loule en passant derrière le comptoir. C’est celle de ma réserve personnelle et exclusive.
Pendant ce temps Marinette gavait le petit Jojo qui reprenait des couleurs, elle avait envoyé le facteur prévenir ses parents qui habitaient un mas éloigné.
Loule tendait la bouteille vers les verres des sauveteurs lorsqu’il s’interrompit :
-Vous ? Curé !
L’assistance l’avait presque oublié, mais le curé avait suivi les rouges jusque dans leur soviet.
- Faut l’excuser dit Marcus en s’adressant à l’homme de foi, vous ici, c’est un peu comme si le bon Dieu allait passer son dimanche de repos en enfer !
- Malheureux ! ne blasphémez pas, si l’enfer ressemblait à cet endroit, le paradis aurait une réelle concurrence, dit benoîtement celui qui portait si bien son nom.
- Excusez moi curé, continua Loule qui prit un verre plus grand que les autres, vous avez droit à un supplément, sans vous l’affaire n’était pas faite.
- Vous étiez là ! rougit l’abbé.
- Ne vous inquiétez pas ! vaï ! même si on fréquente pas l’établissement d’en face, y a des choses dont on ne se moque pas ! Mais je regrette quand même de pas avoir eu un appareil photographique…dit Loule en tendant le verre plein au curé. Sentez moi ça ! ce parfum de péché..
Même le curé rit, il rajouta seulement
-C’est de la poire ? non ?
-De la bonne poire ! oui, comme nous tous ! releva Marcus qui, s’adressant au curé, montra du menton le petit rescapé… Regardez curé, vous avez la Sainte Vierge avec son fils Jésus nous on a Joseph dans les bras de Marinette...Jojo au pays des zeppelins..
Marinette tira la langue à Marcus, et fit signe que le gamin blotti contre elle s’endormait. Le curé, après un petit claquement de langue, reprit la parole :.
-Messieurs, j’apprécie votre hospitalité, mais à quoi servirait-elle si elle n’était pas réciproque. Je voudrais donc vous inviter, non pas dans ma demeure, mais dans celle de votre voisin, celui dont le fils est mort sur la croix. Je sais, l’endroit est plus austère et moins chaleureux qu’ici, mais j’aurais grande joie à vous y accueillir ce Dimanche. Ce Dimanche seulement, je vous rassure, même si je souhaiterais vous y voir souvent. Mon vin de messe est moins savoureux que votre alcool de poire, mon eau bénite est plus fade que votre eau de vie. Mais justement, je parlerai de vie, de la vie que vous avez sauvée, que nous avons sauvée ensemble, sans se poser de question. Par amour de l’humain.
-Par humanité ! sourit Marcus.
-Par humanité ! bien sûr, reprit le prêcheur en levant son verre.  Il avait compris l’allusion au journal communiste qui était posé sur le coin du comptoir.
Marcus se racla la gorge, il ne pouvait ne pas répondre.
-C’est d’accord curé, nous ne nous défilerons pas, il y a seulement une condition, nous sommes des laïques et plus des enfants. Si nous venons, nous ne monterons pas à l’étage. Non pas par bravade, mais parce que nous sommes pour l’égalité des sexes…
-Je vous arrête de suite l’interrompit l’abbé. J’espère bien que vous ne monterez pas, j’ai pas envie de vous voir vous défiler, comme certains… pour venir ici siroter une liqueur !
-Vous saviez curé ? dit Loule.
- Dieu voit tout, sait tout, et son serviteur voit surtout très bien la porte quand il dit la messe.
L’éclat de rire qui suivit marquait la réconciliation de l’homme en soutane avec les habitués du « café de la place ». (A suivre)
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29 juillet 2011 5 29 /07 /juillet /2011 17:06
Episode 4: LE TROU DE LA MULE
Cet été là fut riche en aventures et remit en scène les mêmes acteurs. Ce fut en milieu d’après-midi d’août, dans la moiteur d’une journée brûlante. Mademoiselle Tapenade, la vieille fille bigote du village,  vint vers le café en criant :
-Les  hommes ! Vite ! Les hommes !
-Oï ! reprit Loule, ça doit être grave pour que la vielle bique réclame les boucs.
-Vite les hommes ! le petit de Cadière va se noyer !
Aussitôt les « hommes » laissèrent tomber leur partie de carte et se levèrent de table.
-Vite ! il est au trou de la mule, le courant l’a emporté, mais il s’est accroché à un arbre mort au milieu de la rivière !
Les joueurs de cartes retrouvèrent les réflexes de l’époque du maquis. Marcus dirigeât la manœuvre :
-L’Espingle ! Va chercher une corde, une longue. Toi, Antonin, va faire sonner la cloche chez le curé, Pablo ! viens avec moi, tu es le plus leste, et toi Loule appelle ta femme pour qu’elle explique aux autres et rejoins nous.
Tous exécutèrent les ordres sans rechigner et avec promptitude.
Le trou de la mule était un endroit dangereux de la rivière, une mule s’y était  noyée et avait donné son nom à ce passage tourmenté par des courants puissants. Les orages de la mi-août avaient transformés en torrent ce goulet. 
Le gosse était là, accroché aux branches d’un arbre coincé au milieu de l’écume, il ne pleurait pas mais avait l’air terrorisé. Marcus le rassura en lui criant qu’il allait envoyer la marine nationale.
La cloche de l’église se mit à sonner à toute volée.
Les hommes s’activèrent, ils savaient qu’il était impossible d’aller chercher et de ramener le gamin à la nage. Aussi ils avaient attaché la corde à un arbre, avaient quitté leur chaussures, leurs pantalons, puis s’étaient  mis à l’eau. Ils essayaient de traverser en amont à un endroit moins profond, ainsi en se laissant emporter par le courant, ils avaient une chance d’échouer sur l’arbre avec la précieuse corde.
- On n’est pas achez nombreux se plaignait Pablo.
-Il faudrait qu’on soit un ou deux de plus, et puis ça glisse, tempêtait Marcus, l’eau jusqu’à la poitrine. En se retournant il vit l’abbé Benoît qui allait  rentrer dans l’eau.
-Curé vous êtes fou ! Enlevez votre soutane sinon le courant va vous emporter comme une plume! Dépêchez-vous bon sang le gamin fatigue.
Alors les trois hommes et l’enfant virent une scène qu’ils ne seraient pas prêts d’oublier. Le curé un peu contrarié enleva sa soutane et se retrouva nu comme un ver, il ne portait rien dessous. Il se jeta avec fracas  dans l’eau pour masquer sa nudité, il en oublia même de retirer ses sandales de cuir. Et c’est peut être grâce à cela que le chérubin fut sauvé. En effet, la stabilité du curé, qui comme disait Marcus avait le centre de gravité très bas, fut renforcée par un pied qui ne glissait pas. Ce secours inespéré pour Pablo en bout de corde lui permit d’atteindre l’arbre mort et de ramener l’enfant.
Tous furent rhabillés avant l’arrivée des curieux et Marcus promit au curé de tenir le secret de sa nudité jusqu’à sa mort.
Loule, accompagné de renforts maintenant inutiles, invita tout le monde chez lui.
Une procession improvisée remonta joyeusement jusqu’au « café de la place », afin de se remettre de ces émotions, qui devant une limonade fraîche, qui face à un apéritif.
Sur les épaules de Pablo, le petit Joseph Cadière paraissait tout étourdi par toute cette aventure.
Marinette, la femme de Loule, débarrassa Pablo de son fardeau et serra l’enfant contre sa poitrine. Cette femme opulente, imposait le respect par sa gentillesse et sa générosité : 
- Oh là là ! Il est blanc comme un linge ce pitchou ! Loule ! fait moi passer la pâte de coing, il faut lui donner à manger  (à suivre).
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28 juillet 2011 4 28 /07 /juillet /2011 06:15

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Les curés de Cucugnargues

Episode 3: L'abbé Benoit
Devant l’église, les bigotes  s’activaient. Lucienne, un peu gauche, tenait dans sa main le fameux cadeau. Marcus, comme détaché de la scène qui se jouait, commanda une grenadine « pour sa grande ». Sa fille chérie, "sa petite caille" d’environ dix ans, l’avait rejoint et il lui murmurait des gentillesses à l’oreille.
Quand le curé sortit sur le perron, l’assistance retint son souffle. Lucienne, un tantinet obséquieuse et maladroite dans les formules, présenta le cadeau fait en commun en précisant que cela permettrait à toutes les fidèles  d’accompagner le saint homme dans ses prières.
Les spectateurs de la terrasse  commencèrent à pleurer de rire..
L’étonnement du curé et de son entourage rendait l’affaire encore plus croustillante. Mais lorsque le curé mit à nue la fiole étiquetée, ce fut du délire !
Lucienne avait tendu l'index vers Marcus et s’apprêtait au blasphème. Mais sa fille passa prés d’elle, un paquet à la main,  le tendit au curé et dit:
- C’est le vrai cadeau, l’autre c’est le club des moures qui vous l’offre.
Le brave curé arracha le nouveau papier s’attendant au pire, mais ce fut bien le cadeau d’origine : un chapelet, le douzième ou le treizième qu’on lui offrait et, comme les douze ou treize fois précédentes, il remercia de sa voix docte et suave. Puis d’un geste naturel, il tendit le flacon vers la terrasse du café :
-Merci à vous aussi, mécréants ! J’espère que cet alcool provient des vignes du seigneur au moins ?.
-Non ! C’est des miennes, répondit Marcus, l’œil encore humide des larmes de rire. Le groupe s’esclaffait encore plus bruyamment
Lucienne ne pu se retenir
-Tu ne payes rien pour attendre !
- Non, mais… je vais un peu attendre pour payer ! répondit il en levant son verre à l’attention de Loule, et de la tournée gratuite.
Marcus était imbattable à l’art de la réplique, une aptitude qui lui avait valu beaucoup de déboires dans sa scolarité pourtant brillante. Tous connaissaient son talent à vous asséner des réparties cuisantes. Tous savaient également que Lucienne mettrait  ses menaces à exécution. A savoir, un silence complet de sa part pendant une semaine, ce que localement on appelait la « soupe de moure », justement, et une répression culinaire terrible: le bouillon de fèves, le seul légume que Marcus détestait. Il s’en accommodait cependant, mais parfois allait compléter son repas chez l’Espingle, son complice de toujours.
Fin de la première partie... mais à suivre quand même.
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27 juillet 2011 3 27 /07 /juillet /2011 06:20

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 La galéjade

Episode2

C’était donc un dimanche matin, comme les autres, l’Espingle  portait  sa blouse grise et le club des moures jouait à la belote.
Un dimanche comme les autres, non ! car Marcus avait déclamé à la cantonade :
- Aujourd’hui, on va s’espatarer de rire, en lançant un clin d’œil à l’Espingle qui laissait comprendre qu’il était dans la confidence.
Comme Loule lui demandait de raconter, Marcus déclara qu’il fallait attendre la fin de la messe. Il n’en avait pas dit plus à cause des « misselous» comme il les appelait. Il désignait ainsi les maris qui n’avaient pas le courage de leurs opinions, qui accompagnaient leurs épouses dans l’église, faisaient mine de monter à l’étage des hommes, venaient boire un apéritif de voleur et retournaient dans l’église en fin d’office pour accréditer la supercherie.
Mais quand les poltrons étaient retournés dans leurs rangs, Marcus raconta
- Les grenouilles de bénitiers sont allées à Lourdes avant hier sans leur curé. Le caloté doit en avoir marre de la grotte, de l’eau bénite en guise d’apéro et des culs bénits en amuse gueules. Alors ces dames lui ont acheté un souvenir. C’est Lucienne qui a fait le paquet cadeau avec le papier de fête qu’elle a acheté chez l’Espingle.
Là, les deux copains éclatèrent de rire, excitant encore plus la curiosité des autres.
-Raconte l’Espingle, là je peux pas ! dit Marcus les larmes aux yeux.
L’autre continua :
-Hier soir, il est venu me voir vers les neuf  heures. Il avait bien reluqué le cadeau du père Benoît,  et il voulait que je trouve un carton pareil, et un papier pareil pour faire un cadeau pareil.
-Oh ! nom de Dieu ! je crois que j’ai compris ! clama Loule.
Comme il n’était pas sûr que tous aient la même vivacité d’esprit, Marcus reprit.
-On a fait un cadeau identique et j’ai remplacé le leur par le notre.
-Et c’est quoi ?
- Une fiole de fine !
Les rires éclatèrent enfin.
-Attendez ! les avertit L’Espingle, il a collé une étiquette dessus et il a écrit : « L’eau bénite c’est pour les morts, l’eau de vie c’est pour les vivants ! » 
Tous les clients étaient maintenant agglutinés rigolards à la terrasse pour voir la chose de leurs yeux. Loule félicita Marcus et promit une tournée gratuite pour le club des moures.
-D’accord, acquiesça Antonin,  à condition que tu ne nous rinces  pas le gosier avec ta satanée Anisette.
Loule avait la fâcheuse habitude d’écouler ainsi une anisette maison aux qualités gustatives contestées par tous les habitués. (è suivre)

 

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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 14:57

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Les curés de Cucugnargues
 épisode 1: LE CLUB DES MOURES
Antonin tapota sa carte avant de la coucher sur le tapis en annonçant 
-Belote !
- C’est pas possible ! ils ont encore triché !
Celui qui venait de parler s’appelait Louis Azaïs mais tout le monde l’appelait Loule. Il était le patron du « café de la place » qui, comme son nom l’indique, se situait sur la place du village. Il connaissait parfaitement les quatre joueurs  assis à la meilleure table, celle qui profitait des douceurs ombragées de juin sans être exposée au vent. Ici tout le monde les appelait le « club des moures ». Ils avaient gagné ce surnom pour leur façon de jouer.
A la belote, il est interdit de parler, mais pas de grimacer, de cligner de l’œil, droit ou gauche, de se mordre la lèvre inférieure ou supérieure, de se gratter l’oreille droite ou gauche, de renifler fort, de se passer la langue sur les lèvres… Bref, d’utiliser un langage codé fait avec la figure, avec le « moure », cela n’avait jamais été interdit, et nos compères étaient passés maîtres dans cet art. A tel point que les concours leur étaient parfois refusés. L’habitude aidant, leurs grimaces étaient de moins en moins marquées et seul Loule arrivait à en déchiffrer certaines.
 Le plus grand de la bande, l’ « Espingle » tenait la droguerie d’en face. Il  portait une longue blouse grise, élimée par les ans, qui signifiait que le magasin était ouvert. Mais si la partie était sérieuse il était rare de le voir quitter sa place pour servir le client qui, soit attendait la fin de la mène, soit revenait un peu plus tard. La boutique, sauf la nuit et le dimanche après midi, n’était jamais franchement fermée, ni franchement ouverte d’ailleurs. Les clients comprenaient donc que le marchand s’accorde ainsi de longues poses dans son activité, d’autant qu’il répondait toujours positivement aux demandes, même s’il ne les avait pas en stock. Sa mémoire phénoménale lui autorisait de ne rien noter et donc de ne pas interrompre les parties. Les commandes étaient enregistrées et l’acheteur repassait et partait satisfait.
Antonin qui venait d’annoncer la « re-belote » gouttait aux joies tranquilles de la retraite du chemin de fer. Sa voix forte et claire, et son caractère jovial en avaient fait le nommeur  attitré des lotos municipaux. Il y avait gagné le surnom de Monsieur Boulègue. L’anecdote venait du fait qu’en cours de partie, le joueur mécontent du sort criait au nommeur « boulègue »  ou « va le chercher ». Un jour, un ami parisien de l’instituteur eut une phrase qui le ridiculisa pour toujours, croyant que boulègue était le nom de famille d’Antonin il l’appela « Monsieur Boulègue », et tous les gens du village comprirent que les parisiens n’étaient pas plus intelligents que les autres, même avec leurs manières de Messieurs de la Capitale, de Messieurs « Je sais tout ».
Pablo, le troisième de la bande,  n’était pas un enfant du pays mais le pays l’avait adopté depuis le jour où il était entré dans le village, couvert de sang, de boue et de sueur, au volant d’une voiture de l’armée Allemande frappée des lettres FTP. Francs Tireurs Partisans était le groupe du maquis qui avait libéré le village, et surtout qui s’était battu pour que les colonnes de l’armée en débâcle ne le traversent pas. 
Depuis, il mâchonnait un français maladroit et sa rancœur de ne pas avoir renversé Franco. La guerre perdue des républicains l’avait poussé à fuir la dictature et son Espagne natale. Cependant, il se retrouva rattrapé par le mauvais sort puisque la guerre le reprit en tenailles. Déjà aguerri à la résistance armée, il avait pris très tôt le maquis et s’était naturellement imposé comme chef.
Marcus, le quatrième, était lui aussi dans la voiture d’alors, viticulteur, enfant du pays, il connaissait la contrée comme sa poche et avait été bien utile dans la résistance. Il surprenait toujours son monde, sous son aspect bourru et rustre, c’était de loin le plus instruit des quatre. Il ne devait sa stature sociale qu’au fait d’avoir hérité très tôt de la propriété familiale ce qui l’avait obligé d’interrompre ses études. Il lisait Rabelais en vieux français dans le texte et avait adopté sa philosophie. Il se définissait comme « épicurien bouffeur de curés ».
C’était avec le maquis et la belote, l’autre point commun entre les membres du Club des moures, ils étaient rouges ! Et le « café de la place » faisait figure de quartier général. Comble de coïncidences, l’église et son modeste parvis n’étaient qu’à quelques mètres en contre-bas.
Le hasard avait mal fait les choses, le café des blancs, «  le café du pont » se situait au bas du village, dans le quartier des notables, si bien qu’entre l’enfer rouge et l’église il n’y avait pas de place pour un purgatoire.
Autre taquinerie du sort, Marcus avait épousé Lucienne, celle qui faisait office de meneuse côté paroissial. Tous se demandaient d’ailleurs comment ce couple pouvait concilier des tempéraments aussi  contradictoires sans se désunir.  (à suivre)
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