Mon père m’invite à sortir de la chambre pour voir un couple d’amis. Lui a une tête de clochard avec une barbe mal taillée, des cheveux ébouriffés sur une calvitie galopante mais surtout d’énormes lunettes avec une monture qu’on croirait en fer forgée, tellement elle est épaisse. Contre lui, une ange me regarde, blonde, les yeux azurs au milieu d’un visage fin et un peu pale. Elle me sourit me dit bonjour et qu’elle s’appelle Anne, Je réponds d’un « b‘jour » timide et mal assuré. Elle m’indique que mes parents s’inquiètent de ma tristesse et qu’elle est… là elle prononce un nom scientifique compliqué que je ne comprends pas.. Elle m’explique alors qu’elle s’occupe des garçons comme moi, qui ne sont pas très heureux, un peu dépressif, qu’elle est une sorte de docteur, mais pas du corps, de l’esprit ! Elle enchaine en me demandant si j’étais d’accord pour la rencontrer dans son cabinet, pour qu’on parle seule à seul et faire quelques tests amusants. Je hausse les épaules, je n’aime pas trop ça. En rédaction mon niveau est bloqué à 2 sur une échelle d’appréciation qui va jusqu’à 10. Toujours le même commentaire écrit en rouge dans la marge « affligeant de banalité ». Je ne vois pas pourquoi j’écrirais mes pensées, mes émotions, mes désirs ou mes joies. C’est « propriété privé » et ça me déplairait qu’un instituteur les lise et les note. Mais là, c’est une ange qui me le demande, je hoche la tête et j’ai droit à un sourire merveilleux…
Je ne reverrai jamais mon ange, un jour mon père, bouleversé, annonce « Anne s’est suicidée, elle a avalé une boite de somnifères et a laissé une lettre à Daniel ». Ce fut la stupeur à la maison. « Mais pourquoi ? » fut la phrase la plus prononcée par mes parents ce jour-là. Anne était jeune, belle, en bonne santé. Elle avait un mari, un peu moche mais si aimant, elle possédait une petite maison coquette, elle aimait son métier, avait des amies. Elle avait tout pour être heureuse. Anne, ma sœur Anne, ils n’ont rien vu venir. Mes parents ne comprenaient pas, moi si.
Je suis allé m’étendre sur mon lit, j’ai regardé le plafond et j’ai vu passer une ange… une ange sans paradis..
FIN