Je m’asseyais dans sa chaleur, gravée dans la pierre, avec l’impression de conserver une partie de son ombre, comme s’il me la laissait pour garder le village. Mon imagination travaillait pas mal en ce temps-là, j’avais besoin de mystères, de légendes, d’ailleurs j’en entretenais une de bien personnelle : je cachais des trésors.
Dans une boîte de sardines bien nettoyée, dont ma mère, complice, avait à grand peine tenté de redonner au couvercle sa forme initiale, je disposais un petit soldat cassé entouré d ‘un chiffon, une pièce de un centime, des graines de courges, une vielle noix ou un marron. Je tenais le tout fermé avec un bout de ficelle et profitais de la promenade dominicale pour enterrer mon trésor. Lubie de mars ?
J’allais toujours du coté du lavoir, la terre y était plus meuble pour ma petite pelle à pâtés. Là, à l’abri du mur, contre le fossé et au pied d’un arbre, avec comme seuls témoins le soleil et mon père, je creusais une petite sépulture, un temple secret fait de pierres plates et de brindilles, un abri à mémoire, où j’enfouissais mon trésor.
Puis, en guise d’oraison je restais là, planté, à contempler la plaine nîmoise. Des champs à perte de vue. Des champs cernés par des pelotons de cyprès militaires, bien alignés au garde-à-vous pour protéger les cultures du vent fou. Des pins, aux silhouettes plus fantasques, marquaient la présence d’un mas, d’une campagne. Quant aux platanes, ils bordaient la route à l’entrée et à la sortie du village. Je pensais à la foule de trésors cachés, aux pieds de tous ces arbres, par des générations d’enfants depuis le temps des héroïques gaulois.
L’air frais, le sifflement du vent, une odeur de futur printemps, un cheval tirant la charrue dans un halo bleuté sortant de ses naseaux, un homme besogneux s’affairant derrière lui, m’imprégnaient de sentiments nouveaux. Le ciel limpide, posé sur cet horizon plat aux teintes dégradées, n’y était sans doute pas étranger. Instants de quiétude ? Esprit bucolique ? je ne saurai répondre, mais les poésies apprises par cœur en classe me laissaient présager qu’un lien particulier nous unissait à la nature...
A SUIVRE