Cinquante ans après, je suis retourné dans « mon » village. Même s’il n’est pas trop éloigné de mon domicile, une cinquantaine de kilomètres, j’n’y vais que très rarement. Quatre, cinq fois depuis que je l’ai quitté à l’âge de huit an. Je n’aime pas être saisi par cette nostalgie qui me transporte vers une mélancolie passive et douloureuse. Je suis retourné au lavoir. Même si l’urbanisation à tout bouleversé, le cœur du village, n’a pas trop changé, il s’est embelli même, les modestes maisons sont plus pimpantes qu’alors. Les murs moins lépreux n’hébergent plus mes amis lézards. Je longe les arènes maintenant construites en dur. A l’époque elles n’étaient faites que de bois et nous nous y faufilions pour jouer aux raseteurs avec les camarades taureaux, index pointés sur leur tête … J’aperçois la silhouette du lavoir. Mais fini le lavoir, c’est une salle collée aux arènes maintenant, sans doute afin d’y stocker du matériel ou de servir de vestiaire aux raseteurs. Fini le ruisseau aussi, canalisé dessous sans doute. Où sont passés les grenouilles, têtards, tritons… ensevelis sous le béton sans doute. Maigre consolation le lavoir a donné son nom à la rue : « rue du labadou » c’est tout. Je me suis adossé au mur, j’ai alors fermé les yeux. Très vite j’ai senti l’odeur du savon, entendu le claquement des draps étendus, puis sont venus les rires de femmes, ensuite Momond m’a interpellé « viens voir ce malabar de crapaud, on dirait un monstre » Sous mes paupières, maintenant humides, mes aurores boréales sont venues me visiter et se sont mises à danser.
LA C’EST BIEN FINI