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21 décembre 2021 2 21 /12 /décembre /2021 16:59

Mon père m’invite à sortir de la chambre pour voir un couple d’amis. Lui a une tête de clochard avec une barbe mal taillée, des cheveux ébouriffés sur une calvitie galopante mais surtout d’énormes lunettes avec une monture qu’on croirait en fer forgée, tellement elle est épaisse. Contre lui, une ange me regarde, blonde, les yeux azurs au milieu d’un visage  fin et un peu pale. Elle me sourit me dit bonjour et qu’elle s’appelle Anne, Je réponds d’un « b‘jour » timide et mal assuré. Elle m’indique que mes parents s’inquiètent de ma tristesse et qu’elle est… là elle prononce un nom scientifique compliqué que je ne comprends pas.. Elle m’explique alors qu’elle s’occupe des garçons comme moi, qui ne sont pas très heureux, un peu dépressif, qu’elle est une sorte de docteur, mais pas du corps, de l’esprit ! Elle enchaine en me demandant si j’étais d’accord pour la rencontrer dans son cabinet, pour qu’on parle seule à seul et faire quelques tests amusants. Je hausse les épaules, je n’aime pas trop ça. En rédaction mon niveau est bloqué à 2 sur une échelle d’appréciation qui va jusqu’à 10. Toujours le même commentaire écrit en rouge dans la marge « affligeant de banalité ».  Je ne vois pas pourquoi j’écrirais mes pensées, mes émotions, mes désirs ou mes joies. C’est « propriété privé » et ça me déplairait qu’un instituteur les lise et les note. Mais là, c’est une ange qui me le demande, je hoche la tête et j’ai droit à un sourire merveilleux…

Je ne reverrai jamais mon ange, un jour mon père, bouleversé, annonce « Anne s’est suicidée, elle a avalé une boite de somnifères et a laissé une lettre à Daniel ». Ce fut la stupeur à la maison. « Mais pourquoi ? » fut la phrase la plus prononcée par mes parents ce jour-là.  Anne était jeune, belle, en bonne santé. Elle avait un mari, un peu moche mais si aimant, elle possédait une petite maison coquette, elle aimait son métier, avait des amies. Elle avait tout pour être heureuse. Anne, ma sœur Anne, ils n’ont rien vu venir. Mes parents ne comprenaient pas, moi si.

Je suis allé m’étendre sur mon lit, j’ai regardé le plafond et j’ai vu passer une ange… une ange sans paradis..

FIN

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20 décembre 2021 1 20 /12 /décembre /2021 14:42

Je suis allongé sur mon lit, sur le dos, j’ai croisé mes mains sur mon ventre, comme un mort et je regarde le plafond. Un plafond blanc et triste, aucune aspérité, aucune  tâche, aucune fissure pour accrocher mes chimères, mes dragons ou mes fourmis géantes. Il est lisse comme un écran de cinéma, mais le projectionniste est absent. Les bobines sont pourtant dans ma tête mais il manque le projecteur. Je reste là des heures à rêvasser au temps béni ou tout le plafond s’animait. Cela inquiète un peu mes parents de me voir figé comme un mort sur son lit d’évasion. Ma mère argumente : « Regarde ici, avec ton frère, vous avez une chambre avec une fenêtre, nous aussi avec papa, mamé aussi, il y en a une grande dans la salle à manger, une autre dans la cuisine. Au village on en avait combien ? Deux minuscules qui donnaient dans la petite cour. Là, regarde l’eau est au robinet pas besoin d’aller à la pompe, et les toilettes tu peux t’assoir dessus en plus ça va au tout à l’égout, tu préférais les chiottes à la turque, puantes et à partager avec les voisins ? Et la salle de bain, une baignoire sabot c’est quand même mieux que le cuvier » Elle a raison ma maman, nous vivions dans un taudis, mais j’aimais ces murs tordus, ce carrelage disjoint, ce plafond nuageux comme un ciel de mars et cette discrète odeur de moisi. Comment lui dire tout ce qui me manque ? Mes copains, mon ami Momond, notre parc communal avec son sapin « de la mort » son platane « à tatanes » (à cause des chaussures que nous y accrochions) la mare à têtards, les murs lépreux et leurs habitants, lézards et araignées… Ici c’est la ZUP, je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, nous occupons une habitation à loyer modéré, un HLM on dit. La ZUP est en construction, nous sommes dans un des premiers bâtiments. Dehors ce n’est que chantiers et terrains vagues… Tiens les arbres ! Il y en a un seul dans la rue, engoncé dans une cage en fer, de peur qu’il s’échappe sans doute. Il est tout maigre et ne fait de l’ombre que pour une personne, une grand-mère qui tricote dessous et qui doit changer de place sans arrêt à cause du soleil qui joue à l’éblouir. Sur le terrain vague nous construisons des cabanes avec du matériel récupéré sur les chantiers, notre petit bidonville à nous, manière d’être à l’abri des centaines de fenêtres qui peuvent nous observer. Mais ça ne m’amuse pas, l’école non plus. Au village il n’y avait seulement trois classes de deux niveaux chacune, nous nous connaissions toutes et tous. Là, il s’agit d’un groupe scolaire, beaucoup de classes, les filles dans une aile les garçons dans l’autre, avec un muret pour nous séparer à la récrée. Fini les parties de foot endiablées, les taquineries avec les copines, ici il est même interdit de courir.  Ma classe est dans ce qu’on appelle un baraquement en planches, avec des fenêtres donnant sur des murs borgnes… Fini, les grandes vitres à carreaux, le ciel par-dessus les toits, les ramures de platanes et les oiseaux qui venaient sur le rebord de la fenêtre picorer les miettes de pain que nous leurs offrions.

A SUIVRE

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1 mai 2020 5 01 /05 /mai /2020 07:03

Je n’avais jamais vu de mort, et pour un croque-mort ça la foutait mal. Là, j’en avais un devant moi dans cette chambre close qui puait le cierge froid, le tabac froid et la viande froide, alors qu’on était en été et qu'il faisait très chaud. Un mort solitaire dans une petite maison basse. C’était mon baptême de mort en quelque sorte, et je n’en ramenais pas large. Problème : pour entrer le cercueil dans la pièce, le couloir étant trop étroit, il a fallu le passer droit. Par contre ce ne sera pas possible une fois que la boite sera pleine. Autant faire un trou au fond et  demander au défunt d’aller tout seul au cimetière (comme l'a dessiné Reiser pour Franco). On allait être obligé de le sortir par la fenêtre, comme un voleur.  Aussi ! Tu crois qu’il n’aurait pas pu mourir  dans le salon, ce couillon ? Ou à l’hosto ? Comme je suis un peu blancas, pâlichon si tu préfères, Kiki me dit  d’aller dehors devant la fenêtre et qu’il va faire appel au garde champêtre pour mettre le mort en boîte. Et il m’avertit « tu vas voir c’est un pataras » Pataras, ça signifie pataud, malhabile, rustre. Et en effet quand le gus  apparut  il méritait bien son titre de champêtre. Les voilà donc à s’expliquer avec le raide pour le mettre dans le cercueil posé contre le lit. Et là ! Badaboum ! Le pataras s’est pris les pieds dans la dead-box, a lâché le drap qui soutenait le mort qui est tombé sur le rebord du cercueil, bing ! Poteau sortant !  et le macchabée  est allé rouler sous le lit. Misère !

-« Oh Kiki ! tu veux pas venir dans ta nouvelle maison ? » Et là, voilà qu’après cette réflexion   de bon sens, j’éclate d’un fou-rire nerveux mal contenu, d’autant que le pataras venait de se brûler en mettant les scellés et jurait comme un bûcheron qui vient de se tronçonner le membre viril. Mon Dieu ! Et la famille ? Tu vas me dire.- Mon Dieu et la famille ? (tu vois, je te connais bien !) Ben, il n’en avait pas beaucoup le partant, et elle était trop occupée dans les autres pièces. Il fallait entendre les tiroirs couiner, les portes des placards claquer, les bruits de vaisselle, les allers-retours vers les voitures, c’était la course au trésor à côté. Mais que faisait la police ? Justement il était policier le défunt. La sortie par la fenêtre fut aussi épique, à trois pour s’en sortir sans tomber la caisse, ce fut sportif, d’autant que notre cher mort était costaud et avait eu la bonne idée de planter des rosiers juste là. La famille plutôt que nous aider, nous regardait comme on regarde des équilibristes en attendant la chute. Le bruit du cercueil rayé par les épines des roses, me fit penser qu’elles étaient les seules à le regretter. La famille pouvait à présent piller la chambre sans vergogne.

Nous avons installé le cercueil dans l’église, et même s’il y faisait plus frais qu’à l’extérieur, Kiki et moi passons le temps dehors. Une copine de son balcon se moque un peu de ma nouvelle fonction : « C’est toi le nouveau croque-mort ? Ça doit pas être triste » c’est ça l’intuition féminine. Elle m’invite à aller boire frais, Kiki m’encourage  du geste et me voilà à siroter un panaché. Là, je dois l’avouer, et aujourd’hui j’en ai encore un peu honte, elle m’a forcé. Forcé à écouter Claude François, un véritable viol auditif ! Alors que moi je découvrais la nouvelle expérience de John Mayall avec  USA Union, un album sans percussions, la basse mythique de Larry Taylor, le violon qui pleure de Don Harris et Harvey Mandel à la guitare solo, un petit chef d’œuvre de « Green blues » et une alerte sur la nature qui disparaît (on est en 70). Comment je te gave ! Mais tu veux quoi ? Du sexe, du sang, des morts ! Mon dieu le mort ! Le Cloclo a couvert le tocsin, ah ! Si j’avais un marteau ! Je me penche à la fenêtre pour voir que le cortège s’est déjà ébranlé, rigidité mortuaire oblige. Je pars à la course. Je remonte à grandes enjambées, sous l’œil réprobateurs des braves gens qui pillaient la maison du mort tout à l’heure. Je toque à la portière du corbillard, une fois, deux fois, trois fois. La porte s’ouvre enfin sur le sourire de Kiki « Ah c’est toi ! Une seconde j’ai cru que c’était Kiki qui voulait sortir de sa boîte. » Et mon premier enterrement s’est terminé par un fou rire retenu qui me fit mal aux cotes…

 

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30 avril 2020 4 30 /04 /avril /2020 16:52

Un pied dans les poubelles l’autre au cimetière.

 

Pour mettre un peu de gaieté sur ce blog, je vais te raconter mon expérience de croque-mort. Tu doutes ? Tu as raison, je débloque parfois, même souvent, mais là c’est de l’authentique ! J’étais jeune  (Il y a un demi-siècle! Y a prescription !) et je remplaçais les employés municipaux pendant les grandes vacances. Je ramassais les poubelles et je faisais les enterrements. Tout çà avec le titulaire. On l’appelait Kiki parce qu’il appelait tout le monde Kiki. Ben oui ! Quand tu travailles dans l’authentique faut pas t’attendre aux trouvailles originales qui caractérisent mon style imaginatif, insolite, drolatique, facétieux, spirituel et néanmoins génial. Bref je ramassais aussi les morts pour les amener dans leur résidence définitive. Un enterrement étant payé comme quatre heures de ramassage d’ordures, j’aurais souhaité un Nagasaki local, histoire de gagner quatre sous, parce que les ordures, bonjour ! C’était le ramassage à l’ancienne,  avec les poubelles bien collantes au fond, moulées à la louche, avec les asticots pour la pêche. Tu parles, on passait pas tous les jours et l’été j’te dis pas, le sac poubelle était encore inconnu, surtout dans mon bled.. Le camion, bringuebalant, avait la benne non couverte  qui se montait en pompant manuellement pour vider les ordures. C’était d’un pratique ! Tu faisais ça dans le bon air de la décharge. A l’époque on les arrosait pour accélérer la fermentation. La première fois que j’ai vu l’énorme tas d’ordures j’ai cru avoir des troubles de la vision. Non c’était le milliard et demi de mouches qui volant là donnaient cette impression. Welcome  in puruland ! (l’authentique n’exclut pas un trait d’humour de temps en temps) .Mais avant d’arriver là, il y avait l’épreuve du parcours  avec mézigue accroché derrière le fourgon, comme un Ben Hur moderne, à éviter les papiers gras qui s’envolaient quand le camion prenait de la vitesse. Autant te dire qu’à chaque mort je claquais des mains. Les morts c’est propre, ça pue pas, du moins pas au début, et le cimetière est quand même plus sympa que la décharge et les gens sont calmes. Plus calmes que les petits gitans qui courraient après notre camion quand on arrivait à la décharge. C’était le seul véhicule qui n’était pas équipé de broyeur, autant te dire qu’il y avait de la récup à faire. Parfois aussi il y avait la fanfare des rats qui nous accueillait, non je déconne, ça c’est du Reiser, et c’est pour voir si tu crois tout ce que je te dis. Le premier enterrement est programmé pour demain.  Les morts, ça peut attendre ! Bon Toi aussi !

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