J’ai toujours pris des auto-stoppeurs, ayant moi-même beaucoup auto-stoppè, cette pratique a quasiment disparue d’ailleurs, remplacée par des blablamachin et autres bidules informatiques. Un jour j’essaierais d’écrire toutes ces rencontres, mais pour l’instant je me concentre sur la plus comico/tragique d’entre-elle.
Je traverse Montpellier au volant de ma formidable 4L, je retourne au boulot après la case cantine. Là, sur le trottoir j’avise un cycliste qui tend le pousse. Il porte sur la tête le fameux casque à boudins de cuir de l’époque, il porte également des mitaines et un cuissard. Je me dis qu’il a dû avoir un problème mécanique. Je m’arrête, il monte, s’assoie et me regarde comme pour me dire « on y va ? »
Je l’interroge : »Et le vélo ? »
-Quel vélo ?
-Ton vélo !
-Ah ! mon vélo ! Il est chez ma tante à Celleneuve (un quartier de la ville)
Un peu surpris je lui demande :
-C’est là que tu vas ?
-Non je vais à la Colombière (c’est l’hôpital psychiatrique de Montpellier) Et là tout s’éclaire ! Ce garçon a des problèmes d’équilibre et pas que mentaux, d’où l’accoutrement. Cela me fait faire un détour mais je ne me sens pas de le larguer au prochain carrefour.
-On y va !
-Je suis professeur chirurgien, m’annonce-t-il
J’esquisse un « ah » pour masquer mon envie de rire.
-On me croit pas quand je dis ça !
-Sans blague !!!
-Je suis spécialiste du cancer de la tête.
-Ah bon, ça existe ça ? Quoi comme cancer, la bouche, le visage, les oreilles ?
-Non, la tête ! Il plante alors l’index sur sa tempe.
- Le crane ? Le cerveau ?
-C’est ça que j’opère, le cerveau !
-La vache ! C’est un sacré boulot.
-D’abord, il faut raser le crane, puis l’ouvrir et enlever le merdier.
Oups ! C’est la chirurgie pour les nuls en une leçon. Quelque part je me dis qu’il a dû y passer et que le casque c’est aussi pour ça. Il continue à me la jouer grand saigneur :
-Le sang pisse partout ! Il faut l’éponger…
Heureusement on arrive devant l’entrée de l’établissement avant l’hémorragie interne.
-Nous sommes arrivé professeur !
Il sort de la voiture en me balançant un « merci chauffeur » qui me va droit au cœur.