La noix
Mars n’arrivait pas à imposer un semblant de printemps. Le ciel avait des airs d’eau de vaisselle sale, et le froid vous transperçait mieux qu’un tapis de fakir. Au volant de mon éternelle 4L je rentrais chez moi. Sur la route un champ fraîchement labouré colorait le décor d’une touche chaude de terre de Sienne. Il abritait une armée de corbeaux tout droits sortis du film d’Hitchcock et qui perpétraient un holocauste de vers de terre. Un énorme spécimen d'au moins soixante kilos, sur le bord de la route faisait maladroitement de l’auto stop d’une main crispée. Je prends toujours les auto-stoppeurs lorsque je suis seul. Cela me fait toujours des histoires à raconter à écrire. Grand, de noir vêtu, les cheveux mi- long couleur de jais lui barrant le visage lui donnait cet air particulier que les gens qualifient d’étrange sans pouvoir coller l'étiquette d'étranger.. Je lui demandais où il allait, un nez tranchant, accentuant la maigreur de son visage, me fit signe de rouler. Bien ma chance j’étais tombé sur un muet. Très vite je le sentais nerveux, pas rassuré, pourtant en voiture je suis plutôt tortue que lièvre. Le village en vue, je lui demandais si c’était sa destination. Son nez me répondit que non et son visage trembla. Un peu plus loin en pleine nature, sa main s'accrocha à mon bras: "Là" dit-il. J'ai compris qu'il voulait que je le dépose ici, au milieu de nulle part, pas de chemin, pas de route, pas de maison... Il secoua deux fois son nez pour me remercier et disparut. Dans le rétroviseur je ne pus voir où il se dirigeait, le camion qui me suivait m’en empêcha ... D'habitude on dit que le mystère s'épaissit, là en l'occurrence il s'évaporait.. A SUIVRE