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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 09:29

Moi dont les distractions avec les animaux se limitaient à de paisibles courses d'escargots ou à l'étude approfondie, quelque peu paresseuse, de la vie des fourmis, j'avais du mal à concevoir tant de cruauté calculée. Mes grands parents tuaient bien des lapins et des poulets de leur poulailler, mais ils procédaient rapidement, sans mise en scène, sans plaisir en tout cas, presque à contre cœur et jamais inutilement. Là, avec cette complicité sanguinaire avec l'animal, l'homme dépassait la bête en férocité. Le Diable portait bien son surnom.

Mais ce n'était pas le seul grief que l'animal suscitait. Il avait pris l'habitude de passer ses nuits chez nous. Il s'introduisait dans la maison vétuste que nous partagions avec nos voisins et y fondait royaume dans les dépendances communes. Des pièces borgnes servant de débarras, d'atelier, de garage à vélo conduisaient à un endroit sordide: les toilettes à la turque. Un réduit qui me hantait lorsque je devais affronter seul ce gouffre de puanteur où j'imaginais le diable, le vrai celui-là, tenir boutique. En attendant son compère à quatre pattes s'y réfugiait parfois augmentant ma terreur.

Cet univers nous effrayait tellement, ma petite voisine et moi, que l'on ne s'y aventurait qu'ensemble en nous parlant bien fort. Mais lorsque de derrière le cadavre désossé d'une moto montait une plainte lugubre, le courage nous manquait et nos petites jambes fonçaient se réfugier dans la cuisine pour y retrouver nos parents.

Nos mères mirent leurs maris en demeure de nous débarrasser de ce perturbateur. Non content de nous épouvanter, l'animal perturbait aussi leur sommeil en miaulant une partie de la nuit et en période de chaleur, il laissait derrière lui une odeur de fin du monde. La chose était entendue, les hommes relevèrent le défi, mais méfiants, ils fourbirent leurs armes. Plusieurs fois ils avaient chassé l'animal de leur territoire de bricolage, mais toujours dans la crainte de griffures ou de morsures. Le Diable n'hésitait pas à faire face et à menacer, mais un chat, même à moitié fauve ne pouvait pas imposer sa loi. On allait voir ce qu'on allait voir!

 

Le grand soir arriva enfin, une soirée d'été où nos pères enfilèrent leur épaisse canadienne de cuir, les moufles qui allaient avec, et au comble du fou rire, l'un un casque à visière intégrale, l'autre une corbeille métallique grillagée en guise de heaume. Ainsi bardés, ils se répartirent les tâches. Notre voisin, qui avait confectionné un trident artisanal pour la circonstance, tiendrait la porte entrebâillée pour laisser croire au Diable a une issue et permettre de le coincer et ainsi de le châtier sans risque. L'épopée sauvage pouvait commencer. Nous fûmes confinés à l'abri derrière la porte de la cuisine. Tout commença par des miaulements d'intimidation, puis des coups sourds qui d'après les jurons lâchés ratèrent leur cible. Des boites de visserie dégringolèrent des étagèrent dans un bruit de cascade métallique. Une lutte âpre se déroulait dans le couloir, le chat avait bondi sur ses agresseurs. Malgré leur protection, on sentait bien que la cause n'était pas gagnée. Puis ce fut un cri de déchirement, le trident avait frappé juste et la porte d'entrée claqua. Le silence fut vite rompu avec le retour des gladiateurs d'opérettes, couvert de sueur, soufflant comme des sangliers. Ils l’avaient eu! Enfin, ils avaient réussi à l'atteindre avec le trident et étaient convaincus qu'il ne reviendrait pas de sitôt. Cependant ils craignaient un peu la réaction du papé Cambolive, qui aura vite déduit que le châtiment infligé à l'animal venait de chez nous. Le vieil homme n'impressionnait pas que les enfants. Après le repas, nous sortîmes tous dans la rue pour prendre le frais. Et là, nous apprîmes la nouvelle qui soulagea tout le monde. La voiture de monsieur Ravenet avait écrasé le Diable qui s'était littéralement jeté sous ses roues. "Le bon Dieu fait bien les choses" avait conclu ma mère et la soirée n'en fut que plus délicieuse… Le lendemain alors que je faisais une tentative de recensement de trous de fourmis dans mon périmètre de jeu, j'entendis le bruit de la canne sur les barreaux de la souricière. Le Diable mort, la cruauté continuait avec la même mise en scène. Seule différence au tableau, un autre chat s'avança à la place du manquant. Le coup de canne qu'il reçut lui fit comprendre que le papé Cambolive portait toujours le deuil de son maudit animal. Et pour la première fois je l'ai plaint

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