Je ramassais Gaston qui agonisait, au passage je me blessais et mon sang se mélangeait à sa couleur. J'interpellais le restaurateur devant chez qui l'incident était arrivé.
-une carafe d'eau vite!
-Monsieur, nous ne servons que les consommateurs
-Ok, je vais consommer, mais vite de l'eau
-Souhaitez-vous une au gazeuse, Badoit, San Pélégrino ou une eau plate Evian , Vittel
-Une carafe! Merde!
- Nous ne servons pas d'eau ordinaire, que souhaitez-vous ?
- Te filer un coup de tronche connard!
Et je traversais la rue en courant. J'avais vu, en terrasse du bistrot une fille déguster une glace de compétition, et près d'elle un grand verre d'eau. Gaston avait cessé de gigoter, ses branchies fouettaient mollement l'air à la manière d'une sévillane blasée qui agite son éventail devant le spectacle habituel et afligeant d'un toro qui se fait massacrer par des bouchers en ballerines sous les Olé de la foule en délire. (je sais, la phrase est un peu longue, mais elle est destinée à modérer mes propos grossiers, il faut un peu d'élégance tout de même, puis l'épisode aurait été un peu trop court, et si je veux que tu reviennes demain, faut bien que je fasse durer le suspense) A SUIVRE
Quand un poisson rouge te sauve la vie, tu fais quoi, toi? Moi, je veux lui faire découvrir un monde extraordinaire pour lui: la ville. Il éprouvera sans doute la même joie qu'un plongeur qui découvre le monde du silence.. Là, ce sera celui du bruit..
J'ai donc récupéré un bocal à conserve à armature métallique. J'y ai ajouté une courroie et voilà comment je me suis retrouvé en centre ville avec Gaston, autour du cou, dans son aquarium de fortune. Ah le Gaston, comme il était excité! D'autant plus que quantité de gens nous prenaient en photo avec leur portable. Certains croyaient à une nouvelle mode, d'autres à une camera cachée ou un happening pour alerter sur le réchauffement climatique …
On me demanda même si je ne me sentais pas ridicule.
-Pas plus que si je portais une croix, une étoile de David ou une main de fatma. Les poissons rouges intégristes n'ont jamais fait chier personne.. En plus, ils ne croient pas en Dieu, c'est normal ils sont rouges.
Gaston était plié en deux, enfin je dis plié mais c'est une image, il déteste les plies.. Je lui commentais la ville, les bagnoles, le tram, l'architecture, les monuments.. Bref monsieur faisait le touriste.. Mais un drame se préparait, je suis un piètre bricoleur, et la courroie s'est défaite et le bocal est tombé et s'est cassé. Gaston frétillait dramatiquement.. Allais-je pouvoir le sauver? Tu auras la suite au prochain épisode.
Et pour te faire patienter dessine donc le poisson en pointillé..
Les voisins vous diront que je parle seul. Forcement, je suis seul, "seul dans ta vie, seul dans ton lit" comme disait ma grand-mère. Mais je ne parle pas seul, je m'adresse aux choses qui m'entourent.
-hé Frédo (c'est mon frigo) qu'est-ce que tu m'offres à grignoter? J'attends pas de réponse, note bien, mais voilà j'entretiens un monologue avec tout le monde.
-Salut les belles plantes, un petit coup d'eau pour vous rafraîchir?
Puis il y a Gaston, c'est mon poisson rouge. Lui on dirait qu'il veut parler, il articule bien mais aucun son ne sort de sa bouche. Normal c'est un poisson vous me direz, oui, mais voilà c'est un poisson extraordinaire..
Je traversais une mauvaise passe en dehors des clous. Je mangeais face à son bocal et je lui faisais part de mon désespoir de vivre dans un monde sans imagination gratuite. Je me suis senti glisser ver l'abîme et je lui confiais que je voulais me foutre en l'air."Foutre en l'air" s'il y a une expression que les poissons comprennent c'est bien celle-là; notre air vital est fatal pour eux. Alors Gaston m'a ramené à la vie, dans son bocal, il a commencé à tourner très vite, puis il m'a fait le dauphin, debout sur sa queue, puis la baleine avec son petit jet d'eau. Interloqué, je lui ai juré que nous allions vivre des aventures extraordinaires.
Mais il te faudra attendre le prochain épisode.. En attendant je t'offre ce beau poisson à colorier…
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